En étudiant l'idéologie journalistique, Deuze dégage la perception que les journalistes ont d'eux-mêmes et de leur travail. Il en ressort que, dans le deuxième moitié du XXe siècle, les deux notions suivantes ont été réifiées dans les écoles de journalisme et les organisations de presse:
- Le devoir du journaliste est de dire à des individus ce qu'ils doivent savoir pour fonctionner en tant que citoyen d'une démocratie - celui des publicistes est dire à ces mêmes individus ce qu'ils doivent faire pour agir comme des consommateurs dans un système d'économie de marché.
- Dans les deux, les histoires qu'ils racontent doivent servir à informer, persuader, amuser ou éclairer ce qui est considéré comme une "masse" anonyme.
Les organisations journalistiques ont traditionnellement exclu toute discussion avec les utilisateurs des médias. Elles se sont mises dans un rapport hiérarchique, de haut en bas, avec leurs publics.
Ce rapport hiérarchique a éclaté d'abord dans les compagnies de jeux vidéos qui, les premières, ont ouvert grand leurs portes à ceux qui utilisaient leurs produits.
La fragmentation de la société contemporaine peut être comprise comme un procédé, en cours et peut-être même inévitable, de «liquéfaction» et d'hyperindividualisation de la vie sociale, où « la façon dont les gens définissent leurs problèmes et essaient de les résoudre en déployant des compétences et des ressources individuelles est la dernière affaire publique et le seul sujet d'intérêt public».Au lieu de s'appuyer sur le journalisme ou la publicité, les deux versants des mass medias, pour comprendre leur monde, les gens utilisent désormais des systèmes de communication sophistiqués - blogue, internet, chat, forums, etc. - qui leur permettent de discuter et de comparer leur propre version de l'histoire.
Ainsi, selon Deuze, les journalistes et les gens des médias en général ne pourront envisager leur avenir que s'ils transforment radicalement la manière dont ils perçoivent leur rôle, leurs méthodes de travail et le rapport à ce qu'on appelait autrefois "le public".
L'identité future des professionnels des médias devra inclure une composante participative -- par exemple, la notion de narration comme étant une expérience collaborative. En d'autres mots, les publicistes et les journalistes devraient s'entraîner à penser les histoires qu'ils racontent comme "co-créées" avec ceux qu'ils ont un jour identifiés - et effectivement exclus - sous l'étiquette de public, d'utilisateur, de consommateur ou de citoyen.Deux stratégies s'offrent aux organisations journalistiques traditionnelles :
- Mettre au point de nouvelles techniques de production et d'édition toujours plus sophistiquées qui captureront l'attention d'utilisateurs médias qui naviguent, scannent et zappent, annotent et rassemblent chacun leur propre réalité médiatique customisée.
- Ou alors trouver des façons de coopérer avec ces nouveaux producteurs de narration qui émergent dans le monde en ligne.
De nouvelles approches, mettant expressément en rapport le journaliste et son ancienne audience pour raconter des histoires, son nécessaires économiquement, moralement, et socialement.
Un journalisme à code source ouvert en quelque sorte.